L'Affaire Seznec (1993) : le test complet du DVD

Réalisé par Yves Boisset
Avec Christophe Malavoy, Nathalie Roussel et Jean Yanne

Édité par TF1 Studio

Voir la fiche technique

Avatar Par
Le 10/08/2004
Critique

1ère partie


Entre deux « feuilletons de l’été », TF1 se souvient que la télévision peut aussi avoir une mission culturelle. Qu’au moyen du téléfilm, la chaîne peut ainsi allier culture et détente. Et qu’une telle démarche peut générer de l’audience. L’Affaire Dominici en a été récemment la preuve.  » L’Affaire Seznec » en a également fait l’indiscutable démonstration. Tourné en 1991, « L’Affaire Seznec » a été plusieurs fois diffusé à partir de 1993. Le téléfilm a même été récompensé par plusieurs Sept d’Or. Preuve qu’avec un peu d’esprit et beaucoup de matière, on peut largement surpasser (en audience s’entend) « Star Academy » et « l’Ile de la Tentation » réunis.

D’ores et déjà, de ce point de vue là, « L’Affaire Seznec » est une oeuvre importante. Elle participe de la réflexion collective, lutte contre la gigantesque entreprise de décervèlement qu’une certaine télévision tente désespérément d’imposer comme une tendance naturelle et ouvre la voie à d’autres oeuvres tout aussi passionnantes. TF1 sait dorénavant que les grands procès intéressent les français. C’est une de ces excellentes nouvelles qui devraient finir par convaincre le médiamat (rétif à toute forme d’intelligence dans les programmes) que les français pensent.

La reconstitution historico-judiciaire est avec le documentaire la forme culturelle télévisuelle la plus importante. Elle alimente à la fois chez le téléspectateur cette soif de connaissance et la nécessité de se faire une opinion. 2 fonctions essentielles à la liberté des individus auxquelles la Presse ne répond plus, soit par manque d’indépendance, soit par fainéantise. Lorsque les journaux se sont emparés de « L’Affaire Seznec », ils ne l’ont fait que sur une courte durée (le meurtre présumé, le procès, le bagne… ) et les informations distillées n’ont été que parcellaires. C’est la notion même de bruit médiatique : faire court, simple et choc.

Difficile dans ce contexte d’obtenir clairement les réponses aux questions même basiques. A savoir qui, quand, où, pourquoi, avec qui et comment ?… Impossible d’adopter une vue globale et circonstanciée de l’affaire. Le téléfilm, lui, se propose de récapituler les faits et de nous donner une lecture la plus détaillée possible de l’affaire, permettant ainsi au téléspectateur de se façonner une opinion. Intervient alors le parti pris qui caractérise aussi bien le téléfilm que le documentaire. Il va de soit que « L’Affaire Seznec » d’Yves Boisset milite en faveur d’une réhabilitation de Guillaume Seznec. Néanmoins, la minutie avec laquelle les faits nous sont rapportés éveille en nous jugement et curiosité. « L’Affaire Seznec » n’est pas un scoop. C’est un plaidoyer !


2ème partie


Une tirade admirable qui sert aujourd’hui d’exemple et continue de guider la réforme de nos institutions. Au-delà de l’homme, de la famille et de leur combat, « L’Affaire Seznec  » est plus encore que L’Affaire Dominici un symbole. Il est l’incarnation de l’innocence bafoué, de la justice aveugle. Une justice guidée en France par la présomption de culpabilité. Mais par-dessus tout, il pose l’épineuse question de l’erreur judiciaire. Une erreur dont le petit-fils, Denis Seznec, peine à obtenir réparation. Une erreur qui sert encore aujourd’hui de pilier aux défenseurs de l’abolition de la peine de mort. Une erreur qui continue de passionner les générations tant elle prend, devant tant d’obstination à refuser la réhabilitation, des allures de complot.

Dans le box des accusés : l’Etat et son système judiciaire. Y a-t-il eu égalité de traitement ? Si Pierre Quémeneur n’avait pas appartenu à un cercle si influent, Guillaume Seznec aurait-il été condamné ? Aurait-il même été inquiété ? Pourquoi lui refuse-t-on encore aujourd’hui une réhabilitation si évidente ? Quel honteux secret cette affaire recèle-t-elle ? Preuve fabriquées, témoignages influencés, pièces à conviction suspectes ou encore intimidation des témoins de la défense. Yves Boisset montre à quel point la machination fut machiavélique. En prend-il un certain plaisir pour autant ? Il faut croire que oui ! Attelé à une reconstitution la plus méticuleuse possible des conditions dans lesquelles cette sombre affaire s’est déroulé, il force les effets de manche, aiguillonne ses comédies, multiplie les décors confinés… animé par une volonté affirmée d’enfermer son héros dans le rôle de victime.

Ses protagonistes, ou plutôt ceux de l’Histoire qu’il fait sienne, sont tantôt ballottés dans la fureur et le sang, tantôt pris au piège en pleine scène de théâtre. Un théâtre cruel, un théâtre absurde. Le commissariat ou bien encore le tribunal rappellent on ne peu plus clairement la composition de huis clos ; ceux d’un Alfred Jarry ou d’un Eugène Ionesco. Au sort de Seznec, aucune échappatoire. A la bêtise des fonctionnaires chargé d’instruire l’affaire, aucune limite. Le parti pris est clair. A la finesse d’esprit, Boisset substitue la caricature appuyée. Les fans reconnaîtront le style. « Dupont-Lajoie », « Radio Corbeau » ou encore  » Allons z’enfants », Boisset déclare la guerre à l’intolérance et à la stupidité. Et pour la gagner, il n’hésite pas à sortir la grosse artillerie.

Après « L’Affaire Seznec » et le succès remporté, lui ont été confié eux autres téléfilms tout aussi polémiques. Jean Moulin et « L’Affaire Dreyfus ». Réalisés dans un style tout aussi efficace que « L’Affaire Seznec », ils n’ont cependant pas bénéficié d’une interprétation aussi impeccable que celle de Christophe Malavoy. L’acteur entouré de la mystérieuse Nathalie Roussel et du très regretté Jean Yanne livre la composition de sa vie. Inspiré, subjugué, porté par le personnage, il devient Guillaume Seznec avec ses doutes, ses peurs, ses pudeurs et ses errements. Sans lui,  » L’Affaire Seznec » aurait souffert du classicisme radical de la réalisation. Avec lui, la méthode Boisset prend tout son sens. Homme fruste, justice expéditive, couperet des circonstances, la réalisation se devait d’éviter le style ampoulé. Boisset / Seznec / Malavoy, le trio est parfait !

Cette association de bienfaiteurs brosse un tableau vivant et cinglant de l’affaire. Après le procès, les faits. Après les faits, le film. Après le film, la réhabilitation. « L’Affaire Seznec » puise dans une actualité brûlante et réussit à nous intriguer. Suffisamment pour cribler de questions cette affaire restée jusqu’à ce jour non résolue. « L’Affaire Seznec » est effectivement l’affaire du siècle ! Le téléfilm lui rend dignement hommage !

Présentation - 3,0 / 5

Comme nous l’avions déjà signalé, l’éditeur est réputé pour son traitement « light » des oeuvres dont il a la charge. L’Affaire Dominici et « L’Affaire Seznec » ne démentiront pas cette méchante rumeur tant la pénurie de suppléments se fait cruellement sentir pour l’un comme pour l’autre. C’est une fois encore incompréhensible, inadmissible, intolérable… Que voulez-vous ? L’éditeur n’a pas l’air de comprendre qu’au sein d’une édition DVD, les suppléments sont aussi importants que le film. Tout spécialement lorsqu’il s’agit d’une émission télévisée qui dépasse le niveau de la « Star Academy » et s’adresse à des dévédéphiles curieux, soucieux de s’instruire et de se cultiver.

L’éditeur s’obstine dans ses choix minimalistes ! Aux suppléments réduits fait écho le packaging austère ! Côté son, de la stéréo et uniquement de la stéréo. Côté image, c’est là aussi le strict minimum. Pas de remasterisation particulière. La qualité d’image est tout juste regardable. Dommage, 100 fois dommage ! « L’Affaire Seznec » méritait des efforts un peu plus conséquents pour rendre hommage à la qualité de du film et tout particulièrement à son interprétation. Contrairement à L’Affaire Dominici,  » L’Affaire Seznec » marque très clairement sa provenance téléfilmique. Le DVD, cette fois, n’aura pas réussi à gommer la frontière entre télévision et cinéma pour ne laisser subsister que l’oeuvre.

Bonus - 2,0 / 5

Il est tout simplement inadmissible de se contenter de poudre aux yeux en guise de suppléments. Making of, archives, documents d’époque, étude sociopolitique, ça n’est pourtant pas la matière qui manque pour faire de cette édition autre chose qu’un simple transfert vidéo. Il faut croire que l’éditeur n’y tenait pas plus que ça. Etrange pour un DVD qui cherche à raviver la polémique en faveur d’une réhabilitation officielle de Guillaume Seznec. Contrairement à L’Affaire Dominici, vous ne trouverez ici pas même un livret. Bref, à l’absence d’efforts fait écho l’absence de moyens. Difficile dans ces conditions de sauver quelque chose parmi les très rares suppléments de l’édition qui ne sont là que par principe.


Discussion entre Yves Boisset et Denis Seznec (42’49)

Malgré la passion et la multitude de détails qu’apportent les deux protagonistes, on ne peut s’empêcher de regretter la nature improvisée de cet entretien. Les photos, images d’archives et extraits manquent pour illustrer le propos et la discussion part un peu dans tous les sens. « L’Affaire Seznec » est une des pierres angulaires de la réhabilitation de Guillaume Seznec, on l’aura compris. Toutefois, on aurait aimé que cette discussion fût plus analytique, plus chirurgicale, moins informelle. Il s’agit d’apporter des preuves, d’étayer les partis pris du film, de donner (pourquoi pas) la parole aux détracteurs de l’époque afin de bâtir une argumentation solide qui donnât un maximum d’éléments au dévédéphile. Formules de politesse et anecdotes sont au rendez-vous mais l’ensemble est bien léger face à la gravité de l’affaire autour de laquelle les deux protagonistes sont réunies : un film coup de poing instrumentalisé pour réhabiliter une figure légendaire des assises en France. On gardera en mémoire la bonhomie de Seznec et de Boisset ainsi que la touchante complicité entre les deux intervenants.

Chronologie de l’affaire Seznec

Typiquement le genre de bonus qui énerve : fixe, statique sans aucune espèce d’esthétisme ni d’interactivité. L’éditeur se borne à nous balancer une vingtaine de dates avec 2 à 3 lignes d’explications. Exit toute forme d’originalité et par conséquent d’intérêt pour le dévédéphile. Tout spécialement lorsque la chronologie manque à ce point de finesse et saute de très longues périodes sans rien nous indiquer. Quant à savoir ce qui s’est passé après mars 2001, il vous faudra le deviner ! Bonus anecdotique !!!

Diaporama (1’08)

Une palanquée de photos d’époque qui défilent et viennent se comparer au travail de reconstitution du film sans la moindre musique ni même la moindre explication. Par conséquent, un supplément qui ne suscitera chez le cinéphile que bien peu d’intérêt.

Lettres d’adieu lues par Denis Seznec (4’10)

Voilà le seul bonus intéressant de cette édition. De quoi s’agit-il ? 2 lettres lues par le petit-fils de Guillaume Seznec. L’une écrite par Guillaume Seznec à sa femme alors qu’il était encore au bagne pour lui dire adieu. L’autre écrite par sa femme et que Guillaume Seznec ne lira qu’après la mort de son épouse. La lecture est chargée d’une affection palpable à laquelle vient s’ajouter une émotion bien réelle. Illustrée avec des photos d’époque, la lecture de ces 2 lettres est introduite puis effectuée par Denis Seznec. Le genre de supplément qu’on aimerait plus long (beaucoup plus long) et qui aurait été le point de départ rêvé d’un making of passionnant. On ne se contentera ici que d’une palpitante accroche. C’est mieux que rien mais c’est une fois de plus bien dommage !

Image - 3,0 / 5

Si le transfert vidéo est correct, l’image de « L’Affaire Seznec » est cependant loin d’être irréprochable. Un teint souvent trop pâle, une colorimétrie hésitante (notamment sur les plans d’exposition primordiaux à la géographie de l’action), et une totale absence de remasterisation sont le lot de cette édition qui souffre d’un transfert moins ambitieux (si ce n’est moins brillant) que celui de L’Affaire Dominici.

On notera toutefois une compression plus qu’honnête qui élimine gels, bruits et pixellisations. Résultat : côté image, l’éditeur s’en tire avec la mention passable mais ne parvient pas à gommer les différences entre format TV et format ciné. La faute à un piqué grossier assorti de couleurs ternes et de contrastes bien trop timorés. Les bonnes résolutions que laissaient entrevoir le transfert vidéo de L’Affaire Dominici n’ont pas fait long feu… à moins que « L’Affaire Seznec » n’ait eu à pâtir d’un moment d’égarement. Suite de la saga TF1 Vidéo au prochain épisode… affaire à suivre !

Son - 4,0 / 5

Tout comme L’Affaire Dominici, la bande-son de  » L’Affaire Seznec » ne propose ni Pro-Logic, ni Dolby Digital 5.1, ni DTS… bref aucun des formats récents que le support DVD autorise. Une simple bande-son stéréo accompagne ce film important. Que dire face à cet évident mépris de l’acheteur DVD ? Que l’éditeur s’est précipité quitte à bâcler. Que le remixage lui est étranger. Qu’il jette l’opprobre sur le téléfilm français quand il ose éditer un film en stéréo quand Frères d’Armes, Les Soprano et Friends jouissent d’un 5.1.

L’éditeur sait-il au moins que le Dolby Digital 5.1 est le format indiqué sur le cahier des charges du DVD ? C’est à vous faire douter tant il s’accroche aux formats obsolètes !!! Bref… tout ça pour dire que l’éditeur est sur ce point à nouveau inexcusable et qu’une piste–son stéréo sied aussi mal au film qu’un nez de clown sur un polytechnicien. Homogénéité oblige !!!

Le mixage est malgré tout à la hauteur de celui de L’Affaire Dominici. Des voix bien claires, des basses bien présentes et une musique chargée d’émotions. En la matière, TF1 Vidéo sait faire ! L’histoire pallie tout comme pour L’Affaire Dominici la timidité des surrounds l’espace d’un instant. Mais on aurait là encore souhaité tout de même plus de force et d’intensité dans la mélodie… Que voulez vous ? L’éditeur a fermement décidé de bouder le 5.1. Tant pis pour lui, dommage pour nous !


A la barre des témoins, un DVD essentiel pour vous plonger dans les arcanes d’une des affaires les plus passionnantes… excellente affaire à toutes et tous !

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Rétroprojecteur Toshiba 43PH14P
  • Toshiba SD-330ES
  • Onkyo TX-DS797
  • système d'enceinte 5.1 Triangle