Réalisé par Yves Boisset
Avec
Christophe Malavoy, Nathalie Roussel et Jean Yanne
Édité par TF1 Studio
1ère partie
Entre deux « feuilletons de l’été », TF1 se souvient que la
télévision peut aussi avoir une mission culturelle. Qu’au
moyen du téléfilm, la chaîne peut ainsi allier culture et
détente. Et qu’une telle démarche peut générer de l’audience.
L’Affaire Dominici en a été récemment la preuve. »
L’Affaire Seznec » en a également fait l’indiscutable
démonstration. Tourné en 1991, « L’Affaire Seznec » a été
plusieurs fois diffusé à partir de 1993. Le téléfilm a même
été récompensé par plusieurs Sept d’Or. Preuve qu’avec un peu
d’esprit et beaucoup de matière, on peut largement surpasser
(en audience s’entend) « Star Academy » et « l’Ile de la
Tentation » réunis.
D’ores et déjà, de ce point de vue là, « L’Affaire Seznec »
est une oeuvre importante. Elle participe de la réflexion
collective, lutte contre la gigantesque entreprise de
décervèlement qu’une certaine télévision tente désespérément
d’imposer comme une tendance naturelle et ouvre la voie à
d’autres oeuvres tout aussi passionnantes. TF1 sait
dorénavant que les grands procès intéressent les français.
C’est une de ces excellentes nouvelles qui devraient finir
par convaincre le médiamat (rétif à toute forme
d’intelligence dans les programmes) que les français
pensent.
La reconstitution historico-judiciaire est avec le
documentaire la forme culturelle télévisuelle la plus
importante. Elle alimente à la fois chez le téléspectateur
cette soif de connaissance et la nécessité de se faire une
opinion. 2 fonctions essentielles à la liberté des individus
auxquelles la Presse ne répond plus, soit par manque
d’indépendance, soit par fainéantise. Lorsque les journaux se
sont emparés de « L’Affaire Seznec », ils ne l’ont fait que
sur une courte durée (le meurtre présumé, le procès, le
bagne… ) et les informations distillées n’ont été que
parcellaires. C’est la notion même de bruit médiatique :
faire court, simple et choc.
Difficile dans ce contexte d’obtenir clairement les réponses
aux questions même basiques. A savoir qui, quand, où,
pourquoi, avec qui et comment ?… Impossible d’adopter une
vue globale et circonstanciée de l’affaire. Le téléfilm, lui,
se propose de récapituler les faits et de nous donner une
lecture la plus détaillée possible de l’affaire, permettant
ainsi au téléspectateur de se façonner une opinion.
Intervient alors le parti pris qui caractérise aussi bien le
téléfilm que le documentaire. Il va de soit que « L’Affaire
Seznec » d’Yves Boisset milite en faveur d’une réhabilitation
de Guillaume Seznec. Néanmoins, la minutie avec laquelle les
faits nous sont rapportés éveille en nous jugement et
curiosité. « L’Affaire Seznec » n’est pas un scoop. C’est un
plaidoyer !
2ème partie
Une tirade admirable qui sert aujourd’hui d’exemple et
continue de guider la réforme de nos institutions. Au-delà de
l’homme, de la famille et de leur combat, « L’Affaire Seznec
» est plus encore que L’Affaire Dominici un symbole. Il
est l’incarnation de l’innocence bafoué, de la justice
aveugle. Une justice guidée en France par la présomption de
culpabilité. Mais par-dessus tout, il pose l’épineuse
question de l’erreur judiciaire. Une erreur dont le
petit-fils, Denis Seznec, peine à obtenir réparation. Une
erreur qui sert encore aujourd’hui de pilier aux défenseurs
de l’abolition de la peine de mort. Une erreur qui continue
de passionner les générations tant elle prend, devant tant
d’obstination à refuser la réhabilitation, des allures de
complot.
Dans le box des accusés : l’Etat et son système judiciaire. Y
a-t-il eu égalité de traitement ? Si Pierre Quémeneur n’avait
pas appartenu à un cercle si influent, Guillaume Seznec
aurait-il été condamné ? Aurait-il même été inquiété ?
Pourquoi lui refuse-t-on encore aujourd’hui une
réhabilitation si évidente ? Quel honteux secret cette
affaire recèle-t-elle ? Preuve fabriquées, témoignages
influencés, pièces à conviction suspectes ou encore
intimidation des témoins de la défense. Yves Boisset montre à
quel point la machination fut machiavélique. En prend-il un
certain plaisir pour autant ? Il faut croire que oui ! Attelé
à une reconstitution la plus méticuleuse possible des
conditions dans lesquelles cette sombre affaire s’est
déroulé, il force les effets de manche, aiguillonne ses
comédies, multiplie les décors confinés… animé par une
volonté affirmée d’enfermer son héros dans le rôle de
victime.
Ses protagonistes, ou plutôt ceux de l’Histoire qu’il fait
sienne, sont tantôt ballottés dans la fureur et le sang,
tantôt pris au piège en pleine scène de théâtre. Un théâtre
cruel, un théâtre absurde. Le commissariat ou bien encore le
tribunal rappellent on ne peu plus clairement la composition
de huis clos ; ceux d’un Alfred Jarry ou d’un Eugène Ionesco.
Au sort de Seznec, aucune échappatoire. A la bêtise des
fonctionnaires chargé d’instruire l’affaire, aucune limite.
Le parti pris est clair. A la finesse d’esprit, Boisset
substitue la caricature appuyée. Les fans reconnaîtront le
style. « Dupont-Lajoie », « Radio Corbeau » ou encore »
Allons z’enfants », Boisset déclare la guerre à l’intolérance
et à la stupidité. Et pour la gagner, il n’hésite pas à
sortir la grosse artillerie.
Après « L’Affaire Seznec » et le succès remporté, lui ont été
confié eux autres téléfilms tout aussi polémiques.
Jean Moulin et « L’Affaire Dreyfus ». Réalisés dans
un style tout aussi efficace que « L’Affaire Seznec », ils
n’ont cependant pas bénéficié d’une interprétation aussi
impeccable que celle de Christophe Malavoy. L’acteur entouré
de la mystérieuse Nathalie Roussel et du très regretté Jean
Yanne livre la composition de sa vie. Inspiré, subjugué,
porté par le personnage, il devient Guillaume Seznec avec ses
doutes, ses peurs, ses pudeurs et ses errements. Sans lui, »
L’Affaire Seznec » aurait souffert du classicisme radical de
la réalisation. Avec lui, la méthode Boisset prend tout son
sens. Homme fruste, justice expéditive, couperet des
circonstances, la réalisation se devait d’éviter le style
ampoulé. Boisset / Seznec / Malavoy, le trio est parfait !
Cette association de bienfaiteurs brosse un tableau vivant et
cinglant de l’affaire. Après le procès, les faits. Après les
faits, le film. Après le film, la réhabilitation. « L’Affaire
Seznec » puise dans une actualité brûlante et réussit à nous
intriguer. Suffisamment pour cribler de questions cette
affaire restée jusqu’à ce jour non résolue. « L’Affaire
Seznec » est effectivement l’affaire du siècle ! Le téléfilm
lui rend dignement hommage !
Comme nous l’avions déjà signalé, l’éditeur est réputé pour
son traitement « light » des oeuvres dont il a la charge.
L’Affaire Dominici et « L’Affaire Seznec » ne
démentiront pas cette méchante rumeur tant la pénurie de
suppléments se fait cruellement sentir pour l’un comme pour
l’autre. C’est une fois encore incompréhensible,
inadmissible, intolérable… Que voulez-vous ? L’éditeur n’a
pas l’air de comprendre qu’au sein d’une édition DVD, les
suppléments sont aussi importants que le film. Tout
spécialement lorsqu’il s’agit d’une émission télévisée qui
dépasse le niveau de la « Star Academy » et s’adresse à des
dévédéphiles curieux, soucieux de s’instruire et de se
cultiver.
L’éditeur s’obstine dans ses choix minimalistes ! Aux
suppléments réduits fait écho le packaging austère ! Côté
son, de la stéréo et uniquement de la stéréo. Côté image,
c’est là aussi le strict minimum. Pas de remasterisation
particulière. La qualité d’image est tout juste regardable.
Dommage, 100 fois dommage ! « L’Affaire Seznec » méritait des
efforts un peu plus conséquents pour rendre hommage à la
qualité de du film et tout particulièrement à son
interprétation. Contrairement à L’Affaire Dominici, »
L’Affaire Seznec » marque très clairement sa provenance
téléfilmique. Le DVD, cette fois, n’aura pas réussi à gommer
la frontière entre télévision et cinéma pour ne laisser
subsister que l’oeuvre.
Il est tout simplement inadmissible de se contenter de poudre
aux yeux en guise de suppléments. Making of, archives,
documents d’époque, étude sociopolitique, ça n’est pourtant
pas la matière qui manque pour faire de cette édition autre
chose qu’un simple transfert vidéo. Il faut croire que
l’éditeur n’y tenait pas plus que ça. Etrange pour un DVD qui
cherche à raviver la polémique en faveur d’une réhabilitation
officielle de Guillaume Seznec. Contrairement à
L’Affaire Dominici, vous ne trouverez ici pas même un
livret. Bref, à l’absence d’efforts fait écho l’absence de
moyens. Difficile dans ces conditions de sauver quelque chose
parmi les très rares suppléments de l’édition qui ne sont là
que par principe.
Discussion entre Yves Boisset et Denis Seznec
(42’49)
Malgré la passion et la multitude de détails qu’apportent les
deux protagonistes, on ne peut s’empêcher de regretter la
nature improvisée de cet entretien. Les photos, images
d’archives et extraits manquent pour illustrer le propos et
la discussion part un peu dans tous les sens. « L’Affaire
Seznec » est une des pierres angulaires de la réhabilitation
de Guillaume Seznec, on l’aura compris. Toutefois, on aurait
aimé que cette discussion fût plus analytique, plus
chirurgicale, moins informelle. Il s’agit d’apporter des
preuves, d’étayer les partis pris du film, de donner
(pourquoi pas) la parole aux détracteurs de l’époque afin de
bâtir une argumentation solide qui donnât un maximum
d’éléments au dévédéphile. Formules de politesse et anecdotes
sont au rendez-vous mais l’ensemble est bien léger face à la
gravité de l’affaire autour de laquelle les deux
protagonistes sont réunies : un film coup de poing
instrumentalisé pour réhabiliter une figure légendaire des
assises en France. On gardera en mémoire la bonhomie de
Seznec et de Boisset ainsi que la touchante complicité entre
les deux intervenants.
Chronologie de l’affaire Seznec
Typiquement le genre de bonus qui énerve : fixe, statique
sans aucune espèce d’esthétisme ni d’interactivité. L’éditeur
se borne à nous balancer une vingtaine de dates avec 2 à 3
lignes d’explications. Exit toute forme d’originalité et par
conséquent d’intérêt pour le dévédéphile. Tout spécialement
lorsque la chronologie manque à ce point de finesse et saute
de très longues périodes sans rien nous indiquer. Quant à
savoir ce qui s’est passé après mars 2001, il vous faudra le
deviner ! Bonus anecdotique !!!
Diaporama (1’08)
Une palanquée de photos d’époque qui défilent et viennent se
comparer au travail de reconstitution du film sans la moindre
musique ni même la moindre explication. Par conséquent, un
supplément qui ne suscitera chez le cinéphile que bien peu
d’intérêt.
Lettres d’adieu lues par Denis Seznec (4’10)
Voilà le seul bonus intéressant de cette édition. De quoi
s’agit-il ? 2 lettres lues par le petit-fils de Guillaume
Seznec. L’une écrite par Guillaume Seznec à sa femme alors
qu’il était encore au bagne pour lui dire adieu. L’autre
écrite par sa femme et que Guillaume Seznec ne lira qu’après
la mort de son épouse. La lecture est chargée d’une affection
palpable à laquelle vient s’ajouter une émotion bien réelle.
Illustrée avec des photos d’époque, la lecture de ces 2
lettres est introduite puis effectuée par Denis Seznec. Le
genre de supplément qu’on aimerait plus long (beaucoup plus
long) et qui aurait été le point de départ rêvé d’un making
of passionnant. On ne se contentera ici que d’une palpitante
accroche. C’est mieux que rien mais c’est une fois de plus
bien dommage !
Si le transfert vidéo est correct, l’image de « L’Affaire
Seznec » est cependant loin d’être irréprochable. Un teint
souvent trop pâle, une colorimétrie hésitante (notamment sur
les plans d’exposition primordiaux à la géographie de
l’action), et une totale absence de remasterisation sont le
lot de cette édition qui souffre d’un transfert moins
ambitieux (si ce n’est moins brillant) que celui de
L’Affaire Dominici.
On notera toutefois une compression plus qu’honnête qui
élimine gels, bruits et pixellisations. Résultat : côté
image, l’éditeur s’en tire avec la mention passable mais ne
parvient pas à gommer les différences entre format TV et
format ciné. La faute à un piqué grossier assorti de couleurs
ternes et de contrastes bien trop timorés. Les bonnes
résolutions que laissaient entrevoir le transfert vidéo de
L’Affaire Dominici n’ont pas fait long feu… à moins
que « L’Affaire Seznec » n’ait eu à pâtir d’un moment
d’égarement. Suite de la saga TF1 Vidéo au prochain
épisode… affaire à suivre !
Tout comme L’Affaire Dominici, la bande-son de »
L’Affaire Seznec » ne propose ni Pro-Logic, ni Dolby Digital
5.1, ni DTS… bref aucun des formats récents que le support
DVD autorise. Une simple bande-son stéréo accompagne ce film
important. Que dire face à cet évident mépris de l’acheteur
DVD ? Que l’éditeur s’est précipité quitte à bâcler. Que le
remixage lui est étranger. Qu’il jette l’opprobre sur le
téléfilm français quand il ose éditer un film en stéréo quand
Frères d’Armes,
Les Soprano et
Friends jouissent d’un
5.1.
L’éditeur sait-il au moins que le Dolby Digital 5.1 est le
format indiqué sur le cahier des charges du DVD ? C’est à
vous faire douter tant il s’accroche aux formats
obsolètes !!! Bref… tout ça pour dire que l’éditeur est sur
ce point à nouveau inexcusable et qu’une pisteson stéréo
sied aussi mal au film qu’un nez de clown sur un
polytechnicien. Homogénéité oblige !!!
Le mixage est malgré tout à la hauteur de celui de
L’Affaire Dominici. Des voix bien claires, des basses
bien présentes et une musique chargée d’émotions. En la
matière, TF1 Vidéo sait faire ! L’histoire pallie tout comme
pour L’Affaire Dominici la timidité des surrounds
l’espace d’un instant. Mais on aurait là encore souhaité tout
de même plus de force et d’intensité dans la mélodie… Que
voulez vous ? L’éditeur a fermement décidé de bouder le 5.1.
Tant pis pour lui, dommage pour nous !
A la barre des témoins, un DVD essentiel pour vous plonger
dans les arcanes d’une des affaires les plus
passionnantes… excellente affaire à toutes et tous !