Drive My Car (2021) : le test complet du Blu-ray

Doraibu mai kâ

Réalisé par Ryusuke Hamaguchi
Avec Hidetoshi Nishijima, Toko Miura et Reika Kirishima

Édité par Diaphana

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Le 29/03/2022
Critique

Une fable envoûtante sur le pouvoir libérateur des mots racontée par Ryûsuke Hamaguchi et saluée par le Prix du meilleur scénario à Cannes.

Drive My Car

Alors qu’il n’arrive toujours pas à se remettre d’un drame personnel, Yûsuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre, accepte de monter Oncle Vania dans un festival, à Hiroshima. Il y fait la connaissance de Misaki, une jeune femme réservée qu’on lui a assignée pour conduire sa voiture sur les trajets du festival à son lieu de résidence, distants d’une heure de route. Au fil des jours, la sincérité croissante de leurs échanges les oblige à faire face à leur passé.

Drive My Car (Doraibu mai kâ), récompensé en 2021 à Cannes par le Prix du meilleur scénario, est une libre adaptation d’une courte histoire, sur une cinquantaine de pages, extraite d’un recueil de sept nouvelles publié par Haruki Murakami en 2014, édité en France sous le titre Des hommes sans femmes (Belfond, 2017).

Ancien élève de Kiyoshi Kurosawa, le scénariste et réalisateur Ryûsuke Hamaguchi, né en 1978, fut repéré par Senses (Happî awâ), sélectionné en 2015 à Locarno, un ambitieux récit sur plus de cinq heures du parcours émotionnel de quatre femmes, puis par Asako I & II (Netemo sametemo), sélectionné à Cannes en 2018, une bien étrange histoire d’amour.

Ceux qui survivent continuent de penser aux morts

Le générique de Drive My Car s’affiche après un prologue d’une quarantaine de minutes qui découvre deux Tokyoïtes, Yûsuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre, et sa compagne Oto, scénariste de séries télévisées. Tous deux semblent vivre un amour partagé, sans ombres, jusqu’au jour où il la surprend en train de faire l’amour avec un jeune acteur, Kôshi Takatsuki. Yûsuke se retire sans être aperçu, repoussant une explication avec Oto. Cette explication n’aura jamais lieu : en rentrant chez lui un soir, Yûsuke découvre Oto morte subitement d’une hémorragie méningée.

Drive My Car commence alors vraiment, après un elliptique trou noir de deux ans. Yûsuke accepte de monter Oncle Vania de Tchekhov pour le festival de théâtre d’Hiroshima. Parmi les acteurs sélectionnés, figurent Kôshi Takatsuki, une actrice taiwanaise parlant le mandarin et une Coréenne muette parlant la langue des signes.

Yûsuke reste tourmenté par la disparition d’Oto. Les longs moments passés avec Misaki dans l’intimité de la voiture vont, peu à peu, l’inciter à mettre des mots sur sa souffrance, peut-être à tenter de trouver une explication à la conduite d’Oto, de se libérer d’une rancoeur diffuse faite de jalousie et d’un sentiment de culpabilité. Misaki, particulièrement mutique, finira par céder au besoin d’exprimer des pensées refoulées, de révéler un secret qui aurait bien pu rester définitivement enfoui.

Drive My Car est si intelligemment réalisé qu’on ne ressent jamais de temps morts au long des trois heures du récit. Le film tire aussi une partie du charme qu’il opère de la confrontation entre Hidetoshi Nishijima, l’interprète de Yûsuke (célèbre au Japon, employé dans cinq de ses films par Kiyoshi Kurosawa) avec une jeune actrice connue pour sa contribution à une quarantaine de séries, Tôko Miura, dans son interprétation tout en retenue de Misaki. L’ambiguïté de deux autres personnages, Oto et Kôshi Takatsuki, ajoute un trouble subtil à un récit échappant à tous les clichés.

On attend avec impatience l’édition vidéo de Contes du hasard et autres fantaisies (Gûzen to sôzô), un autre film récent de Ryûsuke Hamaguchi, salué par Grand prix du jury à la Berlinale de 2021.

Drive My Car

Présentation - 3,5 / 5

Drive My Car (179 minutes) et son supplément (21 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier blanc, glissé dans un fourreau reproduisant l’affiche du film.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en japonais, avec sous-titres optionnels, et le choix entre deux formats audio, DTS-HD Master Audio 5.1 ou stéréo, et dans un doublage en français DTS-HD MA stéréo.

À l’intérieur du boîtier, un livret de 24 pages dans lequel Ryûsuke Hamaguchi révèle les trois raisons qui l’ont poussé à adapter la nouvelle : parce qu’elle met en scène des personnages intrigants, parce qu’elle explore l’art dramatique et parce que l’un des personnages, Takatsuki, est très ambigu. Ensuite, dans Le poids suspendu des émotions, Jérôme Boivin, directeur artistique des 3 Continents, résume le parcours de Ryûsuke Hamaguchi et son oeuvre qui « se mobilise autour des pouvoirs dévolus à la parole » et livre une brève analyse de Drive My Car qui « met à jour une proximité latente entre l’écrivain et le cinéaste ». Mathieu Macheret, dans Babel sur le rivage, la reproduction d’un article publié dans Les Cahiers du cinéma de juillet-août 2021, voit en Ryûsuke Hamaguchi un « révélateur de l’être, cette vibration à la croisée du corps et du verbe (…), la parole étant pour lui un outil spéléologique qui permet de plonger dans les profondeurs douloureuses des êtres ». Le livret se referme sur un entretien avec l’acteur Hidetoshi Nishijima, une courte présentation des trois acteurs principaux et une succincte fiche technique et artistique du film.

Drive My Car

Bonus - 2,0 / 5

Entretien avec Ryûsuke Hamaguchi (9’, 2022, Diaphana Édition Vidéo), enregistré au festival de Cannes 2021. Il rappelle qu’après avoir été approché par un producteur pour adapter un roman de Haruki Murakami, il a proposé l’adaptation d’une nouvelle qu’il avait lue quelques années plus tôt, en 2013, et qui lui avait paru proche de son métier de scénariste et réalisateur. « Vivre, c’est jouer un rôle », dit la nouvelle et, selon lui, « jouer permet de mieux exprimer qui on est ». Sa méthode consiste à donner peu d’indications aux acteurs et à leur conseiller de ne pas surjouer : ils doivent « ressentir l’émotion pour pouvoir l’exprimer ».

Bande-annonce (2’)

Drive My Car

Image - 5,0 / 5

L’image numérique (1.85:1, 1080p, AVC), lumineuse, fermement contrastée avec des noirs denses, déploie des couleurs naturelles, soigneusement étalonnées pour une reproduction délicate des tons de peau. Une résolution poussée fait bon ménage avec une fine texture rappelant celle du 35 mm.

Drive My Car

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 5.1de la version originale (avec une alternative stéréo), très clair, avec une bonne dynamique, assure un bon équilibre entre les dialogues et l’ambiance. La répartition du signal sur les cinq canaux profite surtout à l’accompagnement musical composé par Eiko Ishibashi.

Ces observations valent pour le doublage en français, limité au format stéréo.

Crédits images : © Bitters End, C&I Entertainment, Culture Entertainment, Drive My Car Production Committee

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 29 mars 2022
Prix du scénario à Cannes, Drive My Car, l’adaptation d’une nouvelle de Haruki Murakami, aurait pu prétendre à la Palme d’or pour l’intelligence inspirée de sa mise en scène. Cette nouvelle réussite confirme le talent du jeune cinéaste Ryûsuke Hamaguchi que nous avait révélé en 2018 son film Asako I & II.

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