Le Géant de la steppe (1956) : le test complet du Blu-ray

Ilya Muromets

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Aleksandr Ptushko
Avec Boris Andreyev, Shukur Burkhanov et Andrei Abrikosov

Édité par Artus Films

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Le 01/04/2022
Critique

Inédite en vidéo, l’épopée d’Ilya Muromets, le héros médiéval qui sauva Kiev de l’envahisseur mongol, par un maître du genre.

Le Géant de la steppe

Avant de s’endormir pour toujours, le géant Svyatogor remet son épée à des pèlerins, leur ordonnant de la donner au preux qui sera digne de défendre sa terre, le royaume de Kiev. Alors que les Tougars pillent la région, les pèlerins remettent l’épée à Ilya, un paysan paraplégique de Mourom. Grâce à une potion magique, Ilya retrouve ses forces et s’en va se battre contre l’envahisseur qui a enlevé son épouse Vassilissa. Il devra affronter mille dangers pour devenir le preux qui mérite gloire et immortalité.

Le Géant de la steppe (Ilya Muromets), sorti en Russie en septembre 1956 (il ne sera distribué en France qu’en mai 1959), est une réalisation d’Aleksandr Ptushko, venu au cinéma avec l’animation de marionnettes qu’il a associées à des personnages réels dans Le Nouveau Gulliver (Novyy Gulliver, 1935). Le succès universel de Le Tour du monde de Sadko (Sadko, 1953), Lion d’argent à Venise, incita Mosfilm à lui allouer des moyens exceptionnels pour l’illustration de la geste d’Ilya Muromets, un héros du XIIe siècle. Célébré jusqu’à nos jours, canonisé, il est honoré par deux statues monumentales à Kiev pour sa résistance aux assauts des hordes mongoles.

Le Géant de la steppe

Le Géant de la steppe incorpore à des références historiques une part de fantastique : une potion magique libère Ilya de la chaise à laquelle le clouait sa paraplégie et lui confère une force herculéenne qui lui permettra de déraciner d’énormes souches, de résister au souffle dévastateur du gnome Rossignol et de décapiter un dragon tricéphale cracheur de feu qui brûle tout sur son passage. Mais son plus haut fait d’armes, c’est l’écrasement de l’envahisseur du royaume de Kiev, le khan Kalin, un lointain ancêtre de Gengis Khan (interprété par un Ouzbek, Shukur Burkhanov) résolu à « effacer Kiev de la face du monde ». Qui a dit que l’histoire se répétait ?

Avec une utilisation inspirée du ratio 2.35, inaugurée avec ce film en URSS, Aleksandr Ptushko signe un grand spectacle réussi, avec des scènes de bataille, peuplées d’un nombre impressionnant de figurants, dont la puissance est soutenue par la partition originale pour orchestre symphonique d’Igor Morozov.

Le Géant de la steppe, au-dessus de cela, crée un univers enchanté, dont l’aspect délicieusement naïf est souligné par la fantaisie des costumes et des décors et par une palette de couleurs acidulées, des choix esthétiques qu’on retrouvera, onze ans plus tard, dans Le Conte du tsar Saltan (Skazka o tsare Saltane, 1967).

Le Géant de la steppe n’avait jamais été édité sur disque optique en France. Cette édition exclusive s’ajoute au catalogue d’Artus Films qui s’était récemment enrichi de trois autres mediabooks proposant des inédits du cinéma fantastique de l’Est : Les Vieilles légendes tchèques (Staré povesti ceské, 1953), le chef-d’oeuvre de Jiri Trnka, Vij ou le diable (Viy, Konstantin Ershov et Georgiy Kropachyov, 1967), l’adaptation d’un conte de Nikolay Gogol, et Le Conte du tsar Saltan (Skazka o tsare Saltane, Aleksandr Ptushko, 1967), l’adaptation d’un poème épique d’Alexandre Pouchkine.

Le Géant de la steppe

Présentation - 4,0 / 5

Le Géant de la steppe (91 minutes) et ses suppléments (50 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 et un DVD-9, avec le même contenu, logés dans les couvertures d’un mediabook.

Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, en russe, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, les deux au format audio Linear PCM 2.0 mono.

Le livret de 64 pages s’ouvre sur Ilya Murometz : une épopée symbolique par l’écrivain et essayiste Nicolas Bonnal, connaisseur de la culture russe et auteur de plusieurs ouvrages sur le cinéma, avec un rappel du personnage et une fine analyse du film dont il fait ressortir la symbolique, notamment celle du « héros qui va pouvoir purifier le monde ». Suit un résumé du long article sur Ptushko qu’il avait écrit pour l’édition de Le Conte du tsar Saltan. Suit L’histoire de la byline et les secrets d’Ilya Muromets par Tetyana Popova Bonnal : la byline est un genre propre à la culture slave, le chant d’anciens événements glorieux dont les héros sont les bogatyrs (preux chevaliers) ; il est illustré par la traduction de deux textes sur la geste d’Ilya Mouromets. Une note historique sur la Rus’ Kiévienne rappelle que ce fut un des grands états de l’Europe médiévale, avec 8 millions d’habitants au XIIe siècle, plusieurs fois envahi par les Mongols. Le livre se referme sur un entretien avec Natalia Aleksandrovna Ptushko, la fille du réalisateur, recueillant en 2005 ses impressions sur quelques films de son père.

Le Géant de la steppe

Bonus - 4,0 / 5

Présentation du film par Christian Lucas (27’). Ilya, paysan de Mourom, un village à l’ouest de Moscou, est un héros réel du XIIe siècle qui fut canonisé par l’église orthodoxe 400 ans après sa mort et est encore aujourd’hui reconnu comme le patron des armées russes. Au faîte de sa gloire, Ptuschko reçoit de gros moyens : Mosfilm prétend avoir mobilisé 106 000 figurants et 11 000 chevaux pour donner l’impression d’une immense armée de Mongols, encore accrue par le procédé des expositions multiples de la pellicule. C’est le premier film soviétique tourné en cinémascope avec son sur 4 pistes. On retrouve Sergey Stolyarov, l’acteur principal de Le Tour du monde de Sadko qui avait été mis à l’écart après une dénonciation calomnieuse. Le Géant de la steppe reprend les thèmes familiers du cinéma de Ptuschko, l’amour de la terre, le patriotisme, la musique, les créatures fantastiques… On l’a appelé le Walt Disney russe, ce qu’accrédite une scène nettement inspirée de Blanche Neige et les sept nains. Le film sera distribué aux USA, avec un nouveau montage et doublage en anglais, sous le titre The Sword and the Dragon, par la compagnie Harris Kubrick Pictures, fondée par Stanley Kubrick et Joseph Harris. Le chroniqueur passe en revue les films inspirés des exploits d’Ilya Muromets.

Ptushko l’enchanteur par Stéphane Derderian (16’). Après avoir été un des cinéastes de l’Est à réaliser des animations avec marionnettes, comme Hermína Týrlová, Jiri Trnka, Karel Zeman en République Tchèque, et Aleksandr Rou en Russie, il s’est dédié au « cinéma merveilleux » avec des adaptations naïves de contes et d’opéras destinées aux enfants, assez rares à cette époque, avec des sorcières et des monstres.

Diaporama (5’) : une cinquantaine de documents, affiches, lobby cards et photos du film.

Bande-annonce (2’)… en espagnol !

Le Géant de la steppe

Image - 4,5 / 5

L’image (2.35:1, 1080p, AVC), lumineuse, très stable, est magnifique : aucune tache ou rayure n’a résisté à une soigneuse restauration qui a respecté la texture argentique et ravivé les couleurs dans les tons acidulés qui font une des originalités du film. On retrouve, atténué, le défaut relevé pour Le Conte du tsar Saltan, lui aussi restauré par Mosfilm, la teinte grisâtre que prennent occasionnellement les visages.

Son - 4,0 / 5

Le son Linear PCM 2.0 mono de la version originale, lui aussi d’une exemplaire propreté, délivre dialogues, ambiance et accompagnement musical sur une large bande passante relativement ouverte. La finesse du son et la quasi-absence de saturations permettent d’apprécier la richesse de la composition symphonique d’Igor Morozov. On peut toutefois regretter que la restauration n’ait pas tenté de ressusciter le son 4-pistes d’origine.

Le doublage en français, au même format, d’un niveau artistique acceptable, place les dialogues trop en avant par rapport à l’ambiance et à l’accompagnement musical un peu étouffé. Il n’a pas été pris en compte pour l’attribution de la note.

Crédits images : © Mosfilm

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 1 avril 2022
Avec une utilisation inspirée du ratio 2.35, inaugurée avec ce film en URSS, Aleksandr Ptushko signe un grand spectacle mêlant le fantastique à l’histoire, celle d’Ilya Muromets, le héros qui sauva Kiev des invasions des Mongols, au XIIe siècle. Une belle occasion, avec Le Conte du tsar Saltan, égalemenr édité par Artus Films, de découvrir le porte-drapeau du cinéma merveilleux en URSS.

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