Réalisé par Ali Abbasi
Avec
Zar Amir-Ebrahimi, Mehdi Bajestani et Arash Ashtiani
Édité par Metropolitan Vidéo
Rahimi, une journaliste de Téhéran, vient dans la ville sainte de Mashhad pour enquêter sur des assassinats de prostituées commis par un homme, qui se présente à la presse sous le nom de « l’araignée » et dit remplir une mission divine de salubrité publique en éliminant des « femmes corrompues ». Constatant la passivité de la police, Rahimi décide de traquer le tueur…
Les Nuits de Mashhad (Holy Spider), retenu dans la sélection officielle du festival de Cannes pour la Palme d’or, sorti dans nos salles le 13 juillet 2022, est le troisième long métrage de l’Iranien Ali Abbasi, après Shelley (2016, sélectionné à Berlin, mais ni distribué, ni édité en vidéo en France) et l’étonnant Border (Gräns, 2018), salué par le Prix Un certain regard, réalisé au Danemark où il avait émigré.
Les Nuits de Mashhad, tourné en Jordanie, exploite un scénario coécrit par le réalisateur et Afshin Kamran Bahrami, inspiré par un cas réel, le meurtre de 16 femmes par un tueur en série, à Mashhad, il y a une vingtaine d’années.
Il n’a rien fait de mal : il a éliminé des femmes corrompues !
Si l’on peut lui reprocher, à juste titre, une certaine lourdeur, notamment avec l’exposition, en temps réel, de la strangulation de plusieurs victimes, Les Nuits de Mashhad tire la plus grande part de son intérêt de sa dimension politique quand il souligne, de diverses manières, le statut d’infériorité des femmes et, plus généralement, la résistance à toute forme de démocratie d’un état gouverné par des religieux voulant imposer à tous leurs croyances. Le film stigmatise ouvertement la complaisance des autorités religieuses, de la police et de l’opinion publique vis-à-vis des agissements du tueur, Saeed, un maçon père de trois enfants, ainsi que l’incompétence et la corruption du système judiciaire et des institutions. L’hypocrisie des religieux est illustrée par la rencontre avec un mollah qui souligne qu’une fatwa n’est pas une « obligation », mais seulement un « avis ».
Servi par une belle photographie et par la partition très originale de Martin Dirkov, compositeur de l’accompagnement musical des autres films d’Ali Abbasi, Les Nuits de Mashhad profite de l’interprétation de Rahimi par Zar Amir Ebrahimi. Le Prix d’interprétation féminine qui salua sa performance à Cannes indisposa les autorités iraniennes, tout comme le film qu’elles ont banni. On y découvre, convaincant dans son incarnation de Saeed, Mehdi Bajestani, Prix d’interprétation masculine au festival de Stockholm.
Les Nuits de Mashhad (118 minutes) et ses suppléments (21 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un fin digipack.
Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en persan, et dans un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 5.1.
Dans la couverture du digipack, livret de 16 pages, rédigé par Asal Bagheri, spécialiste du cinéma iranien, autrice d’une thèse sur Les relations homme/femme dans le cinéma iranien postrévolutionnaire, stratégies des réalisateurs ; analyse sémiologique. Elle passe rapidement en revue la représentation de la femme dans le cinéma iranien : « une chose faible qui devait systématiquement être sauvée par un homme et être à son service » dans le cinéma prérévolutionnaire, « une image pâle, lisse, fidèle, de mère pieuse » dans le cinéma postrévolutionnaire. Avant qu’elle ne devienne, peu à peu, « une figure incontournable et récurrente du septième art en Iran ». Asal Bagheri retrace un parcours sur « le chemin de l’émancipation » et sur « le chemin de l’indépendance », à partir des années 90. L’image de la prostituée, « en conflit avec les règles de la censure », n’apparaît que très rarement. « Le cinéma de la diaspora, un cinéma de continuité et de rupture (…) a essayé de remplir un vide corporel (…) et de mettre en lumière la beauté sensuelle du corps féminin ». Aujourd’hui, en Iran, les femmes « enfin suivies par les hommes, se battent pour leur liberté (…) avec une exigence primordiale et emplie de courage : celle d’imaginer que les choses peuvent être autrement, sous le regard du monde entier. »
Une édition DVD est disponible avec le même contenu.
Entretien exclusif avec Zar Amir Ebrahimi (19’). Conduit par Nicolas Rioult, un entretien avec l’actrice, réfugiée en France après avoir été ostracisée en Iran pour la divulgation d’une sextape, condamnée à une peine de prison et de 100 coups de fouet, à laquelle elle a pu échapper en s’enfuyant de son pays. Appelée par Ali Abbasi comme directrice de casting, elle a remplacé la jeune actrice retenue pour le rôle de Rahimi qui avait, au dernier moment, refusé de sortir d’Iran, craignant de ne pas pouvoir y revenir. Elle s’est préparée à ce rôle en prenant toute la dimension du personnage, une journaliste, mais aussi, dans cette société patriarchale, une représentante de la femme. Les Nuits de Mashhad, c’est l’image renvoyée par un miroir de la société iranienne et, aussi, une histoire universelle.
Bande annonce de Les Nuits de Mashhad (1’53”) et de Border (Gräns, Ali Abbasi, 2018).
L’image numérique (2.39:1, 1080p, AVC), finement résolue, lumineuse et agréablement contrastée, avec des noirs denses, offre une palette assez chaude de couleurs bien étalonnées.
Le son DTS-HD Master Audio 5.1, avec une dynamique et une ouverture de la bande passante satisfaisantes, assure la clarté des dialogues et met en valeur la composition originale de Martin Dirkov. Une répartition équilibrée du signal sur les cinq canaux crée une sensation réaliste d’immersion dans l’ambiance des nombreuses scènes de rues.
Ces observations valent pour le doublage en français, au même format.
Crédits images : © Profile Pictures, ONE TWO Films, Nordisk Film Production, Wild Bunch International, Why Not Productions, Film i Väst, ZDF/ARTE, ARTE France Cinéma