Réalisé par David Lynch
Avec
Richard Farnsworth, Sissy Spacek et Harry Dean Stanton
Édité par Studiocanal
Alvin Straight, 73 ans, décide de quitter Laurens, village du nord de l’Iowa, pour retrouver son frère aîné victime d’une attaque cardiaque. Les deux frères sont fâchés depuis dix ans. Malgré son état de santé médiocre et après avoir réfléchi à leur différent, Alvin décide d’aller voir Lyle dans le Wisconsin et entreprend un voyage de plusieurs centaines de kilomètres… sur son tracteur tondeuse à gazon.
GAZON BÉNI
Entre deux voyages inter-dimensionnels (Lost Highway en 1997 et Mulholland Drive en 1999), David Lynch s’est laissé prendre par l’émotion d’un scénario tiré de cette histoire vraie et pour lequel il n’a pas écrit une seule ligne, une exception concernant ses longs métrages. Du réel, très terrien, ancré dans la ruralité états-unienne, qui fait d’Une histoire vraie le film le plus accessible et le plus universel de la filmographie du réalisateur et, de ses propres mots, « son film le plus expérimental »… c’est dire si l’on sort des sentiers familiers du cinéaste qui trouve souvent l’inspiration dans ses rêves.
Un mot ici sur la traduction du titre « The Straight Story » en Une histoire vraie, une bien pauvre adaptation de ce véritable jeu de mots puisque la traduction littérale serait « L’Histoire de Straight » (du nom du personnage principal) ou encore « Une histoire toute droite » (compte tenu de la route empruntée par le même personnage).
Du récit original d’Alvin Straight, le scénario signé John Roach (son seul travail pour le cinéma) et Mary Sweeney (productrice de 5 films de David Lynch), propose une trame philosophique et philosophale qui mélange les faits réels et une dose de rencontres improbables et profondément humaines, faisant de ce voyage une ode au courage et à la sagesse des vieux jours, transformant ici la trajectoire d’une jeune fugueuse ou révélant là les qualités les plus fraternelles qui soient.
Bien sûr, la patte de David Lynch se rappelle à notre bon souvenir et ce « quotidien » s’en trouve saupoudré d’étrange et d’inhabituel, au travers de certains personnages habités ou de dialogues totalement lunaires, essaimant au passage une dose d’un humour chaleureux et bienvenu.
Vous l’aurez compris, Une histoire vraie déborde de qualités, la principale étant l’interprétation hautement sensible, émouvante et presque sans composition de Richard Farnsworth (The Grey Fox, 1982) luttant pendant le tournage contre les effets d’un cancer des os en phase terminale qui le mena au suicide peu de temps après la sortie du film.
Une histoire vraie, à la manière d’un Forrest Gump, égrène des perles de sagesse tout en célébrant la simplicité et l’authenticité d’une certaine Amérique qui fait envie… À (re)voir sans modération.
Édité en 2000 en DVD suite à sa sortie en salles, c’est peu dire si Une histoire vraie était attendu en Blu-ray ! Et le voici même en 4K Ultra HD grâce à Studiocanal qui aligne les deux disques dans un Digipack extrêmement sobre glissé dans un étui en carton assez épais.
Initialement édité presque sans bonus (à la demande de Lynch), voici tout de même de belles images d’archives et autres interviews sur le tournage, le tout monté spécialement pour cette édition.
Straight Talking: A Making of est une récolte d’interviews de David Lynch et de l’équipe du film, en plein tournage sur les routes américaines (le film ayant été tourné dans l’ordre des scènes). Un bonus aussi léger (20 minutes) que bucolique où David Lynch partage beaucoup de son appréciation de l’histoire, de ses personnages et bien évidemment de son interprète principal.
The Straight Story: On Set With David Lynch est un autre montage, mais uniquement de coulisses du tournage cette fois (39 minutes). La caméra est témoin du processus de création du film, sans explication directe, lors de différentes scènes dont la version finale est montrée à la suite. Seule exception à cette caméra candide, quelques mots posés par Richard Farnsworth à la toute fin du tournage sur son expérience et sur son plaisir d’être sorti de se retraite pour ce dernier film.
On termine par la bande-annonce de la version restaurée 4K.
Le directeur photo Freddie Francis, qui qualifie Lynch de « follement intelligent », était sorti de sa pré-retraite pour ce dernier travail et cette troisième collaboration avec le réalisateur après Elephant Man et Dune. Ses images de la campagne américaine de l’Iowa et son regard sur le personnage d’Alvin Straight reste ancrée longtemps sur la rétine. Le passage d’Une histoire vraie à la HD et l’UHD est permis par une restauration 4K à partir du négatif 35 mm original, supervisée par David Lynch. Le résultat est somptueux et vibrant en 1080p sur le Blu-ray qui propose une première version du film qui fait honneur à ses images. Le passage en 4K UHD HDR10 et Dolby Vision permet de passer encore un cran. Non seulement en définition qui adoucit encore les arrêtes et ajoute une qualité photographique absente du Blu-ray, le tout soutenu par une palette de couleurs qui s’enrichit grandement et permet autant de finesse que de vivacité. Le grain de la pellicule est merveilleusement préservé.
Design sonore signé Lynch, musique sensible et légère de feu Angelo Badalamenti (grand partenaire du réalisateur), dialogues ciselés… la bande son d’Une histoire vraie mérite toutes les attentions. La restauration est de mise également et le mix 5.1 de la VOST délivré en DTS-HD Master Audio est une merveille de finesse et de profondeur, permettant une immersion très subtile. La version 2.0 ne manque pas de charme, mais elle coupe le spectateur d’une part de l’histoire. En VF, le mix 5.1 déçoit beaucoup avec des dialogues qui prennent trop le dessus sur les ambiances qui perdent énormément de présence, que ce soit le vent ou les ambiances nocturnes avec insectes. Curieusement, la VF 2.0 (présente uniquement sur le disque 4K) propose une version plus « complète ».
Crédits images : © Asymmetrical Productions, CiBy 2000, Le Studio Canal+, Les Films Alain Sarde, The Picture Factory, The Straight Story Inc