Yi Yi (2000) : le test complet du DVD

Yi Yi - A One and A Two

Édition Spéciale

Réalisé par Edward Yang
Avec Nianzhen Wu, Elaine Jin et Kelly Lee

Édité par H2F

Voir la fiche technique

Avatar Par
Le 12/11/2003
Critique

Yi Yi est une oeuvre à la fois extraordinaire et ordinaire. Dévoilée en avant-première mondiale au Festival de Cannes 2000, son esthétisme, son étonnante simplicité narrative et sa mise en scène raffiné ont assuré la palme de la mise en scène à son réalisateur (le très éclectique Edward Yang, également auteur de « Mahjong »). Rien de très extraordinaire pour ce cinéaste habitué aux nominations ainsi qu’à la sélection Cannoise. Plus insolite est l’accueil que le film recevra auprès du grand public. En quelques semaines, le bouche-à-oreille permet à « Yi Yi » de franchir le barre des 300 000 entrées France. C’est une première pour le cinéma asiatique, qui n’obtenait jusqu’alors que des succès d’estime (comprenez une critique extasiée, des professionnels admiratifs et un remarquable bide commercial).

Partout dans le monde, « Yi Yi » retient avec la même ferveur et le même enthousiasme l’attention d’un large public, lassé par le formatage et le film pop-corn, avide d’un autre genre de divertissement : le cinéma indépendant. « Yi Yi » trace ainsi la voie d’un cinéma asiatique fort, réfléchi, capable de narrer sans lasser, de captiver sans abrutir, d’étonner sans gesticulations superflues. Quelques mois plus tard sortiront le désormais célébrissime Tigre & Dragon (mêlant aventures et légendes ancestrales) et le cultissime In the Mood for Love (ballade poético-romantique) qui vaudront à leur réalisateurs respectifs (Ang Lee et Wong Kar Waï) un immense succès critique et publique (plus d’1 million de spectateurs). Ces 3 oeuvres ont, à elles seules, propulsé le cinéma asiatique sur le devant de la scène internationale et permis que d’autres oeuvres tout aussi ambitieuses (La Princesse du désert, « Hero », « Sympathy for Mr Vengeance »… ) parviennent à un grand public curieux mais prudent (asiatique = auteur = inaccessible = ennuyeux).

Pour ce faire, « Yi Yi » a dû s’adapter aux exigences d’une production internationale. Un titre simple, un thème fort et universel ainsi qu’un montage dynamique, épuré de toute séquence trop contemplative. « Yi Yi » s’affirme dès les premières séquences comme une oeuvre moderne qui s’attache à décrire, à travers le destin d’une famille, le Taïwan contemporain. Exit les monologues pompeux et autres laïus interminables (qui faisaient jusqu’alors l’apanage des productions asiatiques), place aux problèmes concrets du quotidien. Un Taïwan dans lequel beaucoup d’hommes et de femmes relèguent au second plan les traditions et les valeurs au profit d’une quête identitaire. Un Taïwan au coeur duquel certains cherchent l’Amour, d’autres cherchent la gloire, d’autres encore le bonheur. Un Taïwan en crise !

Crise d’identité comme beaucoup d’autres pays d’Asie qui ne savent plus que choisir. Reproduire inlassablement « le protocole de vie » qu’ont fixé leurs anciens au risque de ne jamais affirmer leur existence en tant qu’individu ou bien s’ouvrir à une occidentalisation des esprits qui les individualiseraient au risque de perdre leur culture et leurs traditions.

Crise économique qui a été l’un des principaux déclencheurs de cette crise d’identité. Hier, fers de lance du libéralisme, Taïwan et le Japon en sont aujourd’hui les victimes puisque les deux îles subissent de plein fouet la concurrence de la Chine, du Vietnam, de la Thaïlande… et remettent en question leurs acquis démocratiques et sociaux.

Crise de moralité qui s’accompagne d’une crise spirituelle et religieuse. D’abord séduits par la souplesse et le confort qu’offre l’absence de règles de conduites (dans les rapports professionnels, sociaux, amicaux… ), Chinois et Taïwanais ressentent aujourd’hui le besoin de retourner à des relations franches et morales. Il n’est plus question de « sauver la face » mais de ne pas perdre son âme.

Habilement, avec le raffinement et l’élégance qu’on lui (re)connaît, Edward Yang tisse les fils de sa narration autour de cette famille et aborde tour à tour ces crises au travers de la confrontation entre ses différents personnages. La Grand-Mère et la Mère, tournées vers le protocole et la religion, portent les stigmates d’un passé moribond qui ne sait plus comment enseigner à sa jeunesse (Ting Ting et Yang Yang) le respect des rites et des anciens. (Cf le mariage ou bien encore la scène dans laquelle Min Min, au chevet de sa mère plongée dans un profond coma, essaie de faire parler son enfant). Le frère, A-Di, incarne ce rêve de puissance et de Gloire. Un rêve évanescent qui se nourrit de fantasmes et de mensonges. Enfin, NJ, véritable Lantier (cf Germinal), recherche la vérité, l’honnêteté et l’amour. Confrontés à des choix difficiles, chacun d’entre eux construisent les bases du Taïwan, de l’Asie, du Monde de demain.

A travers cette fresque captivante, Edward Yang laisse plus qu’un film. Il livre les secrets du cycle de la vie en reproduisant à l’identique son mécanisme élémentaire : le quotidien. Au moyen d’une mise en scène soignée et d’un montage concis (composé de « cuts » et duquel toute musique est absente), il parvient à construire / déconstruire avec une incroyable intensité et une étonnante subtilité ces moments clés de la vie de face auxquels nous savons journellement être confrontés. Ces noeuds majeurs de l’existence qui décident de notre sort immédiat et parfois mêem de notre avenir.

A l’instar de , du Guépard ou plus près de nous de « Juste un Baiser », « Yi Yi » séduit par la passion qui anime plans et dialogues et sait évoquer en nous une multitude de sentiments poignants… n’est-ce pas l’essence du cinéma ?… bouleversant !!!

Présentation - 3,5 / 5

La sortie d’une oeuvre de cette envergure est un exercice toujours difficile. Quoiqu’on puisse mettre, un cinéphile tatillon sorti de je ne sais où viendra continuellement vous reprocher de ne pas avoir ajouter ceci, de ne pas avoir présenté comme cela. Bref, l’éditeur, quelle que fût son respect pour l’oeuvre et sa volonté de promouvoir le film en DVD devra s’exposer à essuyer de sévères critiques… H2F opte pour l’exposition volontairement décomplexée en parachutant un label (en caractère d’or s’il vou plaît) courageusement titré édition spéciale. Il fallait oser !

Certes, ça partait plutôt bien côté présentation avec un boîtier rouge et or positionné luxe et une pluie de fleurs énumérant les caractéristiques techniques et les bonus. A l’insertion de la galette, même l’avertissement contre les méfaits du piratage et de la contrefaçon s’anime pour se parer des couleurs du film. Les menus sont tous animés, sonorisés et somptueusement décorés. Bref un coin de paradis dans lequel le dévédénaute prendra infiniment de plaisir à se plonger. L’image de Yi Yi restitue également toute la beauté du film. Quant à la bande-son, elle a été tout spécialement remasterisée pour l’occasion. Que demander de plus ? ? ? Des bonus peut-être ? Hé bien je vous déconseille fortement de vous diriger vers cette section « sinistrée ». Rien… enfin presque rien. Pas l’ombre d’un commencement du début d’un supplément. La claque ? Attendez on parle bien d’un édition spéciale là ? Ben oui !!!

Finaude la stratégie ! Quitte à prêter le flanc au critique, allons-y franco !!! L’éditeur s’est transformé en Pappy Boyington, considérant que le soin apporté à l’édition du film suffirait à lui garantir ce label d’édition spéciale (ni simple, ni collector) tant convoité par le marketing pour valoriser le contenu. Du coup ! on évite de justesse le crash en flammes ! ! ! Si on ne peut pas leur en vouloir d’essayer et de tout faire pour que « Yi Yi » soit acheté et vu par le plus grand nombre de dévédéphiles, le procédé reste fort contestable. Galvauder ce type d’appellation risque non seulement de frustrer mais aussi de lasser !!!

Bonus - 1,0 / 5

C’est la partie qui fâche !!! Et si cela avait été fait consciemment pour conserver au film sa magie et son mystère ??? Plutôt léger comme explication !!! Ben oui mais que voulez-vous ? Devant une telle frustration, moi j’essaie de trouver quelques justifications (à ce désert de suppléments) qui tiennent la route.

Ce n’était pourtant pas bien sorcier de glisser une bande-annonce, un mini-reportage sur la présentation du film à Cannes, une interview avec le réalisateur, ses acteurs… pour ficeler une édition spéciale digne de ce nom ! Je retourne encore une fois le boîtier et que vois-je ? Une pluie de caractéristiques et de bonus trônant au beau milieu d’un pavé saumon titré « Pour cette édition spéciale ». Hé bien nous allons en faire le tour… ça va être rapide !!!


Commentaire audio d’Edward Yang (VOST)
C’est de loin (faute de mieux) le bonus le plus intéressant. Sous forme d’interview type question-réponse, le réalisateur décortique la structure narrative de « Yi Yi ». C’est un film apparemment simple qui parle de la vie et par conséquent, le raccourci le plus simple serait de se dire qu’il n’y a qu’à planter sa caméra et capter ce qui peut se passer dans la rue, dans un appartement, dans un magasin… C’est ici que vous vous rendrez compte (si vous ne le saviez pas déjà) que retranscrire la réalité est ce qu’il y a de plus complexe. Le cinéma amène souvent à la caricature pour simplifier le réel. Ici, compte tenu du sujet et des thèmes abordés, pas de caricature possible mais au contraire, une minutie impressionnante en matière de réalisation qui soutient un schéma narratif excessivement brillant et se sort adroitement de situations compliquées. On regrettera qu’Edward Yang privilégie dans son discours la théorie plutôt que la pratique. Peu d’anecdotes et d’exemples concrets, beaucoup trop d’envolées lyriques au menu de ce commentaire audio. Toutefois, cette déclaration d’amour du cinéaste pour son oeuvre est aisément compréhensible au vu de l’attachement qu’il lui a porté (15 ans durant) et du résultat éblouissant obtenu. Instructif !

Galerie de Photos
L’option diaporama vous permettra de visionner la trentaine de photos présentes en plein écran, haute définition accompagnées de l’enivrante musique composée par Kaili Peng. Elles égrèneront les moments forts du film sans toutefois ne rien révéler des secrets du tournage (hormis le réalisateur présent sur la malheureuse photo de tournage égarée parmi cette trentaine de photos de production). Séquence souvenir !

Entretien avec le réalisateur
C’est fixe, c’est laid et ça n’a pas grand intérêt. Vous en retirerez 2 à 3 informations distillées par ci par là dans un fatras de phrases aux tournures alambiquées. Un mauvais résumé du commentaire audio ! Si mes souvenirs sont exacts, c’est ainsi que les tous premiers DVD présentaient leurs bonus sur le tournage des films. Séquence nostalgie !

A propos d’Edward Yang
Fixe, laid mais un peu plus intéressant que ce qui nous a été présenté précédemment. Toutefois, ça n’est pas avec 3 slides qu’on arrive à résumer la vie et la carrière d’un tel personnage. A l’instar de l’édition spéciale du DVD de YiYi, Edward Yang aurait mérité qu’on s’attarde un peu plus sur sa vie son oeuvre. Ne nous décourageons pas, ce sera peut-être pour l’édition Ultimate de Yi Yi. Séquence avance rapide !

L’arbre de la famille de Jian
Le chef d’oeuvre !!! Non seulement ça n’a aucune utilité (ni avant ni après le film) mais en plus c’est digne de la farce ; Des liens dans tous les sens, une dizaine de noms, des photos pour les membres, rien pour les autres et aucune interactivité. Ca c’est de l’arbre !!! On aurait peut-être pu les voir agir dans le film. On aurait peut-être pu y caser une interview de chacun. On aurait peut-être pu ajouter un organigramme de l’entreprise dans laquelle NJ travaille. On aurait pu mais voilà. Il fallait vouloir ! Séquence ratage complet !!!

On comprend pourquoi les géniaux concepteurs de cette édition si spéciale ont eu l’humilité de ne pas se créditer… en tous les cas, il faudrait être mesquin pour leur reprocher de ne pas avoir fait dans l’originalité !

Image - 4,5 / 5

L’éditeur continue de nous éblouir par son traitement minutieux et respectueux de l’image. Après Mon idole et Sweet Sixteen, « Yi Yi » confirme la capacité (et le talent) de H2F à restituer l’atmosphère, le ton et les nuances propres à chacune des oeuvres. Flashy pour Mon idole, clair obscur pour Sweet Sixteen, ce sera satiné pour « Yi Yi ». C’eut pu être fort louable mais demeurer anecdotique en d’autres circonstances. Néanmoins, ici, cela s’impose !

La preuve en images avec la très belle et édifiante séquence du mariage. Principalement dominée par le rouge et or, elle aurait pu agresser l’oeil en ne tolérant aucune couleur froide (le blanc, le vert… ). L’image aurait alors développé une tonalité dite « hard », c’est-à-dire des transitions marquées visuellement agressives. En optant pour une tonalité dite « soft » de l’image, au travers de nuances adoucies, l’éditeur invite le spectateur à s’attarder sur tout ce qui environne l’action et à s’immerger dans l’ambiance de « Yi Yi ». Le choix de H2F est heureux puisqu’il rend ainsi parfaitement hommage au travail exceptionnellement soigné de la mise en scène et donne tout son sens au film.

Les couleurs, délicatement contrastées, vous offrirons quelques moments de poésie pour ne pas dire d’évasion. Finis les traitements trop clairs ou trop sombres de l’image qui caractérisaient les éditions DVD de films indépendants. H2F insiste sur la compression et le rendu des dégradés de lumière pour offrir une profondeur de champ exemplaire, là aussi prompte à parfaitement restituer le travail de la mise en scène (cf le baiser donné par Ting Ting, de loin, sous le pont). Seuls 2 à 3 endroits (principalement les séquences à l’intérieur de la salle de classe) souffrent de tâches et de coulures quasi imperceptibles. Rassurez-vous ! Elles ne gâcheront en aucune manière le plaisir que vous prendrez à savourer le film.

Son - 4,5 / 5

Et tant pis si le menu sonore a été conçu un peu n’importe comment ! Je mets 4,5 et je m’y tiens car c’est un vrai bonheur que d’écouter ce son remasterisé en 5.1. Evidemment, côtés basses, ce ne sera certainement pas le DVD de référence. Rien à voir avec un Matrix ou un Seigneur des Anneaux, on est d’accord ! Mais ça ne veut pas dire qu’il faille passer sous silence ses très grandes qualités sonores. Au vu de l’excellent rendu, cette bande-son fera même grand bruit.

Oubliez la musique, place aux dialogues et à l’ambiance. Voitures, chaises, tables, bruits de pas, téléphones portables… tout se détache et s’entremêle pour capter votre attention et ne plus vous lâcher au point que vous ne saurez distinguer entre la sonorité de la rue, de vos appareils ménagers, de votre téléphone et celle enveloppante du film. Les personnages sont dans votre pièce, vivent et respirent tout autour de vous… un vrai bonheur !!!

Que dire de la piste française. A éviter impérativement sous peine de complètement passer à côté du film. Non seulement la faiblesse du mixage ne restitue que pauvrement cette atmosphère enveloppante mais les voix, souvent désynchroniséses, choqueront particulièrement votre oreille. C’est mal doublé, mal adaptées et mal mixé. Optez plutôt pour cette piste VOST 5.1 et vous entendrez ce que vous verrez…

Un fabuleux moment de cinéma à toutes et tous !

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Rétroprojecteur Toshiba 43PH14P
  • Toshiba SD-330ES
  • Onkyo TX-DS797
  • système d'enceinte 5.1 Triangle